Un profond sommeil by Quay Tyson Tiffany

Auteur:Quay Tyson, Tiffany [Quay Tyson, Tiffany]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Sonatine
Publié: 2022-08-24T22:00:00+00:00

En sortant du poste de police, nous avons roulé jusqu’au champ qui se trouvait à l’emplacement de l’ancienne carrière. C’était une de ces soirées de la fin d’été où les étoiles semblent exceptionnellement denses et proches. En adoucissant son regard, on avait le sentiment qu’il aurait suffi de tendre la main pour attraper une poignée de lumière. On s’est installés à l’arrière du pick-up de Willet et on s’est passé une flasque de whisky. On a maudit papa tout en buvant à sa santé.

« Sans doute qu’il n’avait pas Pansy, en fait.

– Ce pauvre enfoiré. J’en étais persuadé, pourtant.

– Faut qu’on l’annonce à mamie Clem. Et à Chester, j’imagine. »

Je n’étais pas emballée à l’idée d’apporter la nouvelle.

« Demain, a fait Willet.

– Je comprends pas ce qu’il fabriquait en Floride. Et s’il était tellement dans la merde qu’il vivait dans la rue, comment il a pu payer un mois de loyer dans un motel ? » J’ai pris un peu de whisky qui m’a brûlé la gorge. « Pourquoi il est pas revenu ? On aurait pu l’aider.

– T’as pas la sensation que nos vies, c’est juste un paquet de questions sans réponses, Bert ? » Willet a bu une longue gorgée. « J’en peux plus, d’avoir que les questions, et jamais les réponses, bordel. »

Au loin, quelque chose a hurlé. Ça aurait pu être un vieux chien de chasse ou une sorcière, une banshee. La lune presque pleine brillait derrière un mince voile de nuages. J’ai bu encore un coup. Mes pensées se sont adoucies et mon corps s’est réchauffé. Le whisky m’aidait à surmonter la frousse qui me prenait chaque fois que je m’approchais de la carrière. J’ai bu encore.

« J’ai vu quelque chose dans les bois le jour où Pansy a disparu. »

Willet m’a regardée.

« Comment ça ?

– Quand tu m’as laissée toute seule après le début de l’orage, j’ai vu une espèce de créature dans les bois. Un monstre. Il portait quelque chose. Je pense que, peut-être, il portait Pansy.

– Qu’est-ce que tu racontes, Bert ?

– Je pensais que vous ne me croiriez pas. J’avais honte de voir des monstres à mon âge. Je trouvais ça ridicule.

– Mais putain, Bert, pourquoi t’as rien dit sur le moment ? »

Les nuages ont glissé devant la lune et une étoile a filé dans le ciel. J’ai fait un vœu mais il ne s’est rien passé. L’ancienne carrière n’était rien de plus qu’un monticule de terre, même après toutes ces années. Elle aurait dû être recouverte de mauvaises herbes et de lianes. Papa avait raison au sujet de la carrière. Si même le kudzu ne voulait pas ramper dessus, le terrain devait être toxique. J’ai demandé à Willet pourquoi rien ne poussait.

« Franchement, je comprends qu’il n’y ait pas d’arbres. Mais pas d’herbes sauvages ? Pas de raisin d’Amérique ? Ça n’a pas de sens. »

Willet m’a prise par les épaules et m’a secouée.

« Qu’est-ce que t’as vu, ce jour-là ? Parce que moi, j’ai entendu quelque chose. J’ai entendu quelque chose dans les bois.

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